jeudi 9 juin 2011

L'aventure.


Une présentation basique résume en quelques mots qui nous sommes, ou plutôt qui nous avons l’air d’être. Soit une jeune fille de dix-huit ans, lycéenne et littéraire, qui s’appelle Jane Roussel, sage et studieuse. Elève de la classe théâtre, marginale parmi dix-sept autres depuis trois ans.


Mais ce n’est qu’une présentation superficielle, aussi peu profonde qu’une photographie de vous avec un grand sourire collé et tiré jusqu’aux oreilles. Elle annonce bien mais ne fait pas tout. Ce qui fait tout est l’à-côté, c’est cette étoffe qui s’est tissée autour de moi durant ces trois années. C’est ce qui sauve et réjouis, ce qui amuse et tracasse, ce qui nous transforme au fil des scènes, le théâtre.


Le théâtre a commencé par être notre plus fidèle compagnon, celui qui nous suivait partout avec ses personnages. Mais très vite il devient celui qui nous habite, cette part si grande de nous-même qu’elle devient indissociable du reste et finit par devenir partie intégrante, illustration de nous-même. J’écris au pluriel car ce qui caractérise principalement cette expérience de vie est l’incroyable union qui s’est formée, entre moi et le théâtre ainsi qu’avec mes camarades, mes sœurs de plateau, et moi. Chacune est différente, bien particulière, mais nous formons un tout qui est notre théâtre, notre passion joyeuse et merveilleuse, qui, fusionne en un tout et se brise en morceaux, afin que chacune nous ayons en nous un fragment de ce tout. Je ne me présente jamais sans parler du théâtre, je ne me présente pas non plus sans évoquer mon groupe, toutes ces personnes qui possèdent un peu de moi et ne cessent, à chaque fois, de m’offrir un peu d’elles. C’est pour cela que je commence par là, par vous dire que je suis une partie d’un tout et que ma définition ne va pas sans préciser que j’appartiens à notre passion commune, construite ensemble : le théâtre.


J’ai commencé le théâtre à l’âge de 12 ans, en classe de 6ème lors d’un atelier facultatif proposé par notre professeur de français, mais sans poursuivre sérieusement ensuite. J’y avais pris un grand plaisir et m’étais surtout rendue compte de l’effet bénéfique que cela avait eu sur moi, à savoir la perte de la timidité tout d’abord mais aussi l’effet de rapprochement que cela avait crée à la fois entre les élèves mais aussi avec les professeurs. J’aimais l’idée d’un cours qui n’en étais pas un, mais d’un espace libre d’expression qui nous faisait mûrir, nous défoulait et nous amusait. J’ai toujours été plutôt à l’aise à l’oral et j’avais tendance à faire du théâtre « à tout bout de champ », un peu tout le temps. La culture théâtrale m’attirait aussi beaucoup, l’option que proposait le lycée Montesquieu était donc parfaite pour moi, elle me permettait de continuer cette activité qui me plaisait et d’en découvrir aussi l’aspect plus intellectuel.


Je suis entrée dans cette option en regardant mes aînées avec envie, en admirant leur originalité, leur marginalité. En rêvant un jour d’être particulière au travers d’une passion. Je nous vois aujourd’hui, après trois ans de pratique, déambuler pieds-nus recouvertes de peinture dans le lycée et tous ces gens nous observer avec une sorte d’admiration dégoûtée. C’est aussi ce que j’aime dans le théâtre, il souligne la différence et lui donne sa force. Nous sommes extrêmement fières d’être particulières ensemble et nous cultivons cette originalité. J’utilise le théâtre partout, dans tout ce que je fais. Aussi bien pour interpeller une amie à l’autre bout d’un couloir que pour réaliser un exposé ou avoir un examen oral. Il m’aide à survivre à la moquerie, à me détacher des normes, à surpasser le regard de l’autre, à tout dédramatiser. Je me suis séparée du peu de timidité que j’avais, le trac ne m’est plus que bénéfique et le théâtre me détache de mes angoisses, de mes peurs réelles.


Je me présente donc comme un morceau de théâtre humain, car il me permet tout et suscite toujours l’envie, le plaisir de travailler, de comprendre et de s’exprimer. Il est mon exutoire et un bonheur continu commun à nous toutes. Jouer c’est se mettre nu devant la foule, c’est dévoiler tous ses défauts, se laisser juger mais c’est aussi pour moi aller au-delà des défauts, se défaire du jugement et ne vivre que pour soi, simplement pour le plaisir du jeu. Je suis avec cette bande de filles depuis trois ans, ensemble et plus fortes pour affronter ce mur humain qu’est la vie, face à nous. Nous sommes nous-même de vrais personnages, entre tragique et comique, des Cassandre désespérées, des ouvriers du drame survoltés. Je reçois le théâtre et le rends, il me traverse et me grandit, il m’a apporté toute ma culture, toute ma sensibilité artistique. Et je suis certaine aujourd’hui qu’il est l’élément décisif du reste de nos vies.



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